8 mars 1977. L’Organisation des Nations unies adopte une résolution enjoignant à ses pays membres de célébrer une « Journée des Nations unies pour les droits de la femme et la paix internationale », dite « Journée internationale du droit des femmes ».
8 mars 2018. Quarante et unième journée internationale du droit des femmes. République Centrafricaine. Birmanie. Irak. République Démocratique du Congo. Femmes. Nigéria. Syrie. Libye. Soudan. Ouganda. Ex-Yougoslavie. Femmes. Colombie. Philippines. Monde. Conflits. Post-Conflits. Justice transitionnelle. Guerre. Nations Unies. Horreurs. Femmes. Terreur. Gouvernements. Nettoyage ethnique. Nation. Crimes de guerre. Femmes. Terrorisme. Ressources naturelles. Réparation. Femmes. Reconstruction. Destruction. Génocide. Traumatisme. Viol de guerre. Stratégie. Militaire. Politique. Solitude. Femmes. Hommes. Enfants. Enfants nés du viol. Communauté. Abandon. Violences sexuelles. Honte. Rejet. Mort lente. Résilience. Violences. Révoltes. Mémoire collective. Futures femmes. Mère. Grand-mère. Fille. Sœur. Amie. Vous. Nous. Toutes. Tous.
Des mots qui raisonnent, qui bourdonnent, qui accablent. Des mots qui choquent, qui s’assemblent, se ressemblent presque. Comme un amalgame, la guerre et les femmes sont liés comme à tout jamais.
« Ils voulaient nous éliminer du monde » raconte une survivante Rohingya. Comme un sentiment de déjà vu parmi toutes les survivantes des violences sexuelles dans les conflits. Comme une volonté de destruction longue et lente, perverse et inaudible. Ces femmes sont part de la mémoire collective, car elles sont le rappel d’une honte nationale et d’un échec. Celui d’avoir considéré le corps de la femme comme un champ de bataille, une zone de non-droit. Celui d’avoir cru posséder le temps d’un instant la chair d’une autre, de ces autres, et finalement de chacune, de nous toutes et tous. Déshumaniser la femme, c’est l’objectif du viol de guerre. La laisser comme une âme errante, croiser le regard de ses voisins, son mari, son fils, son père… sans jamais ne pouvoir raconter. Pourtant, nombreuses sont celles qui voudraient parler, pour ne plus être encastrées dans un statut de victime, et relier corps et âme errante, pour revivre, et non survivre.
Une responsabilité de la communauté nationale et internationale ? Oui, celle de ne commencer que réellement à parler du viol de guerre comme on parle de tueries de masse et d’attaques terroristes. Celle d’avoir laissé femmes et filles, dans toutes les guerres, mais surtout depuis les années 90, se taire dans une souffrance physique et psychologique insoutenable. Celle de ne pas avoir apporté les soins nécessaires, l’accompagnement, l’expertise. Celle d’avoir tu ce qui constitue aujourd’hui le crime parfait du XXIème siècle. Celle de les laisser errer dans un statut de victimes, oubliant la résilience et le courage dont elles font preuve.
Aujourd’hui dans la guerre, ou hier et demain après les guerres, les femmes sont toujours les premières cibles. Les rapports ne cessent de les citer, énumérant des statistiques et données souvent partielles. Le public, nous, nous émouvons devant tant de répugnance et d’horreur, devant ces blessures visibles. Mais l’instantanéité des émotions ne répond pas aux blessures invisibles de ces survivantes – devant gérer leur trauma, et celui futur d’enfants nés de ces viols, qui comprendront un jour qu’ils doivent leur vie à la guerre.
Le viol de guerre vise femmes, hommes et enfants.
Mais aujourd’hui, en cette journée avant tout symbolique, ce sont les femmes qui ont vécu la guerre et qui vivent la guerre, qui doivent être dans tous les esprits. Le viol de guerre n’est pas une fatalité. Ses marques sont indélébiles mais il existe des moyens humains pour y répondre : soigner physiquement et psychologiquement, car le choc post traumatique se traite. Accompagner professionnellement et économiquement les survivantes, car il y a une vie avant et une vie après le viol de guerre, et surtout après la guerre. Former les professionnels à un niveau local, aux spécificités de ce crime. Coordonner tous les acteurs (inter)nationaux – qu’ils soient journalistes, survivants, médecins, policier, avocats, juges, activistes. Restaurer et réparer les maux collectifs par la justice. Considérer le viol de guerre et les violences sexuelles dans les conflits comme une arme à part entière et non pas comme un dommage collatéral de guerre. Ne pas confondre mémoire collective et vengeance, oubli et pardon. Éduquer et sensibiliser. Promouvoir le travail de la société civile (inter)nationale.
Finalement c’est solutionner ce qui s’apparente à l’inéluctable perpétuation du mal de la guerre, pour que déjà, les survivantes puissent réapprendre à vivre, par leur résilience. C’est permettre à toutes et tous d‘être proactifs, afin de construire un futur qui leur appartient.
We are NOT Weapons Of War travaille depuis maintenant presque quatre ans à bâtir ces solutions concrètes, par l’innovation, l’expertise et l’expérience de terrain. Par l’écoute de son réseau local et la coordination. Les solutions sont à la portée de tous et à l’échelle de chacun.
Léa-Rose Stoian