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Le 15 mars 2025, les journalistes Carlotta Gall et Oleksandr Chubko, du New York Times, ont publié un article important retraçant l’engagement des groupes de survivantes dans leur lutte pour que la parole des femmes victimes de violences sexuelles commises par les soldats russes soit enfin libérée. Dans un village de la région de Kherson, Liudmyla, une femme de 77 ans, s'est dressée avec une dignité admirable devant un groupe de femmes. Elle a partagé son histoire avec courage : « J'ai été battue, j'ai été violée, mais je suis encore en vie grâce à ces personnes. » Par ce témoignage poignant, elle brise le silence sur l'une des facettes les plus cruelles et dévastatrices de l'invasion russe en Ukraine : l'utilisation systématique de la violence sexuelle comme arme de guerre.[1]


Liudmyla n'est pas un cas isolé. Aux côtés de Tetyana, 61 ans, et d'Alisa Kovalenko, 37 ans, elles organisent depuis l'année dernière des rencontres dans les villages de la région, visant à sensibiliser la population à la violence sexuelle en temps de guerre. Ces groupes de parole, animés par des survivantes, sont essentiels car ils créent un contexte propice à l'écoute et à l'expression, permettant aux victimes de se libérer du poids du silence. Le viol est l'un des crimes les plus difficiles à dévoiler, souvent dissimulé par la honte, la peur et l'isolement.  Dans le tumulte des bombardements, l’urgence n’est pas à la parole, et les survivantes se sentent souvent illégitimes à évoquer leurs souffrances. Comme le souligne Véronique Nahoum-Grappe, « le viol est un crime de profanation », son traumatisme est exacerbé par la honte que la victime porte sur elle-même. « Contrairement à d'autres violences physiques, dont les cicatrices peuvent être exhibées comme des marques de courage, une femme violée subit l'opprobre et la marginalisation » [2]


Ces réunions, tenues dans un cadre sécurisé et bienveillant, jouent un rôle crucial en brisant le silence qui entoure ces atrocités : « Le plus important est de rassurer les victimes, de leur faire savoir qu'elles sont en sécurité », souligne Tetyana. « Il faut travailler sa douleur pour qu'elle ne reste pas trop longtemps en soi.»


La difficulté à évoquer ces violences réside non seulement dans les traumatismes personnels qu’elles engendrent, mais aussi dans la peur de ne pas être crue ou de subir une stigmatisation accrue. En offrant un espace d'écoute, ces groupes permettent de surmonter les obstacles, qu’ils soient internes ou externes, et donnent aux survivantes la possibilité de se reconstruire.


Ces groupes de parole constituent un moyen de résilience face à l’oppression et ouvrent la voie à une prise de conscience collective indispensable pour la reconstruction d’une nation dévastée par la guerre. Depuis le début de l'invasion russe, les procureurs ukrainiens ont enregistré plus de 344 cas de violences sexuelles liées au conflit, dont 220 concernent des femmes, parmi lesquelles 16 mineures. Cependant, les organisations de défense des droits des femmes estiment que le chiffre réel est bien plus élevé, se comptant en milliers.


Pour Sofi Oksanen, les statistiques ne captent qu’une fraction des souffrances vécues. Ce décompte officiel ne rend pas compte de l’étendue réelle du phénomène. Elle souligne qu’il ne révèle pas l’impact indirect sur les proches des victimes, ni sur leur vie professionnelle, leur santé mentale, ou leur capacité à maintenir une vie sociale. « Il ne parle pas de celles qui ont perdu la voix, ou qui choisissent désormais leurs vêtements non plus pour se sentir bien, mais pour cacher leurs corps. Il ne mentionne pas les mères qui déguisent leurs filles en garçons pour les protéger, ou celles qui ont accumulé des seaux de fumier chez elles, prêtes à en asperger leurs filles pour les protéger des soldats russes. Il ne parle pas de cette génération perdue, des enfants que ces femmes ne pourront jamais avoir. Il ne mentionne pas ces femmes qui, après ce qu’elles ont vécu, évitent toute intimité avec leur mari, ou celles qui sont abandonnées par leur conjoint dès qu'il découvre ce qui leur est arrivé. Il ne parle pas des infections, du VIH ou des troubles de la thyroïde qui marqueront la vie de certaines victimes à jamais. Et ce ne sont que les troubles physiques. Les violences sexuelles infligent des blessures profondes, qui peuvent affecter la santé des victimes pour le reste de leur vie, de manière invisible mais indélébile. »[3]


Le premier procès pour viol lié aux atrocités commises par les troupes russes a eu lieu en mai 2022 en Ukraine, avec la mise en accusation de Mikhaïl Romanov. Poursuivi par contumace, ce procès marquait une étape historique dans la lutte contre l’impunité des auteurs de violences sexuelles en temps de guerre. Il constituait le premier acte judiciaire pour des crimes aussi odieux, mais il ne représente que le début d’un processus judiciaire beaucoup plus vaste.


En effet, les troupes russes qui ont attaqué l’Ukraine se sont systématiquement rendues coupables de violences sexuelles à l’encontre de civils, hommes et femmes, de tous âges.  Ces actes barbares sont devenus un élément récurrent des atrocités commises pendant l’invasion, soulignant la brutalité et la déshumanisation systématique imposées à la population civile ukrainienne. Les preuves collectées par les observateurs et chercheurs internationaux révèlent des actes de violence sexuelle d'une ampleur et d'une cruauté inouïes. Ces agressions se sont souvent perpétrées en public, dans le but d'imposer une terreur collective. Les soldats russes, parfois en pleine rue, se sont livrés aux viols de manière délibérée, forçant parfois d'autres membres de la communauté à en être témoins. Dans des scènes d'une violence extrême, des parents ont été contraints d’assister au viol de leurs enfants, et inversement. Pire encore, certaines victimes ont été violées de longues heures, jusqu’à la mort.[4]


Interrogée par Le Monde en 2022, la défenseure ukrainienne des droits de l'Homme, Lioudmyla Denissova, soulignait : « Les Russes ne se contentent pas de violer ici. Ils violent d'une manière telle que les victimes meurent par la suite. Ils leur tirent dessus ou les violent si brutalement que les victimes succombent à leurs blessures. » [5]


Ces viols ne constituent pas un phénomène récent datant de 2022, mais s’intègrent pleinement dans la stratégie militaire russe. Comme le rappelle Sofi Oksanen, les viols perpétrés par l’armée rouge sont restés tus, de même que ceux commis lors des guerres en Tchétchénie et en Syrie. Après l’annexion illégale de la Crimée et la prise de contrôle des régions séparatistes en 2014, les victimes n’ont pas eu la possibilité de dénoncer les violences sexuelles auxquelles elles ont été soumises. La cécité de la communauté internationale et des autorités ukrainiennes traduit un oubli moral profond, permettant la réitération des crimes.


Pourquoi la Russie recourt-elle à cette arme ? En partie parce que, comme l'explique Philippe Rousselot, « le viol de guerre se présente comme une extension, voire un substitut, à la prise de possession d’un territoire. À l’acquisition, qu’elle soit temporaire ou définitive, d’un espace convoité, s’ajoute une emprise sur les populations, incarnée par l’appropriation des corps. Le viol de guerre devient ainsi une forme de conquête déterritorialisée, où se manifeste, de manière brutale, le sentiment de domination inhérent à toute annexion. À travers cet acte se conjuguent trois dimensions : l’acte de guerre (violer, c’est tuer sur le champ de bataille), la prise de guerre (violer, c’est saisir et posséder), et la conquête (violer massivement, c’est marquer de manière indélébile un territoire de sa présence). »[6]


Désormais, la communauté internationale prête enfin une oreille attentive, les procureurs ukrainiens prennent en charge les dossiers, et la parole des survivantes se libère progressivement. À travers leurs témoignages, recueillis au sein des groupes de parole, ces femmes documentent non seulement la réalité des violences, mais aussi la douleur intime et profonde des survivantes.


L'organisation SEMA Ukraine a joué un rôle déterminant en facilitant l'accès à des soins médicaux et à un soutien psychologique pour de nombreuses femmes. Quinze survivantes ont ainsi été encouragées à témoigner et à rejoindre leur communauté. En mars 2025, une délégation de SEMA Ukraine s'est rendue à la Commission des Nations Unies sur le statut des femmes pour dénoncer ces crimes. Lors de cette session, elles ont présenté un film poignant retraçant le calvaire des survivantes et ont exigé que la Russie soit officiellement désignée comme responsable des crimes de violence sexuelle en Ukraine. Iryna Dovgan et Alisa Kovalenko expliquent que leur témoignage est à la fois un acte de reconstruction personnelle, un soutien aux autres survivantes, et un combat pour la démocratie. « Il faut que le monde entier entende les crimes que la Russie a commis en Ukraine. Dommage que ce soit seulement maintenant », déclare Alisa Kovalenko.


Parler devient un acte de résistance. C’est une forme de réappropriation de soi, une manière de se reconstruire après l’horreur. « C'est une révolution de parler des viols subis quand on est une femme », confie une survivante.


Depuis l’invasion à grande échelle, les autorités ukrainiennes ont déployé plusieurs initiatives, soutenues par des bailleurs de fonds internationaux, afin de répondre aux violences sexuelles liées au conflit. La loi n° 10132, intitulée « Loi sur la protection juridique et sociale des droits des victimes de violences sexuelles liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et les réparations provisoires urgentes », vise à faciliter l’action judiciaire des victimes tout en leur garantissant l'accès à des soins essentiels. Elle cherche à intégrer les principes du droit pénal international dans les enquêtes et poursuites relatives aux crimes de violences sexuelles. Cependant, comment rendre véritablement justice sans les témoignages des victimes ?


Face à cette horreur, les survivantes se réapproprient leur histoire, dénoncent l’utilisation du viol comme une arme de guerre, un crime que la justice internationale ne peut plus se permettre d’ignorer. Comme le souligne Sofi Oksanen, « condamner les menaces et la culpabilisation des victimes, c’est aussi rendre justice. »[7]


WWOW et son engagement sur le terrain


Consciente du rôle essentiel que joue la libération de la parole, l’ONG We Are Not Weapons of War (WWoW) se tient aux côtés des victimes pour les soutenir, améliorer la documentation des crimes et plaider en faveur de la justice en Ukraine. En partenariat avec Stand Speak Rise Up! (SSRU) et le Women’s Information Consultative Center (WICC), WWoW a organisé un symposium à huis clos à Kiev afin d’examiner les défis liés à la documentation, à la prévention et à la poursuite des violences sexuelles en temps de guerre (CRSV) en Ukraine.


Ces échanges confidentiels ont permis d’identifier les obstacles entravant l’accès des survivantes et survivants aux soins et à la justice, de sensibiliser aux différentes formes de violences sexuelles – y compris celles touchant les hommes –, de faciliter le dialogue entre les victimes, les acteurs de la société civile et les professionnels du droit, ainsi que de renforcer la coopération entre le gouvernement, les experts juridiques et les organisations nationales et internationales.


Chaque témoignage, chaque parole libérée constitue une avancée contre l’invisibilité et l’impunité. Ce symposium aboutira à la publication d’un livre blanc, attendu pour début mai 2025.

Par ailleurs, l’ONG déploie son outil Back Up sur le terrain, offrant aux survivantes et survivants un moyen sécurisé de signaler les violences subies, d’accéder à des services essentiels et de contribuer aux efforts de justice.


[1] New York Times “Slowly, Ukrainian Women Are Beginning to Talk About Sexual Assault in the War”, mars 2025 https://www.nytimes.com/2025/03/15/world/europe/ukraine-women-sexual-violence-war.html

[2] Véronique Nahoum Gappe « Tout viol est une torture, toute torture est un viol »., pour l’Ukraine https://www.pourlukraine.com/viols/reflexion-anthropologique

[3] Sofi Oksanen « Deux fois dans le même fleuve : la guerre de Poutine contre les femmes », Stock 8 novembre 2023.

[4] Sofi Oksanen, ibid.

[5] Le Monde, « dans un village ukrainien occupé par les russes, la brûlure indicible du viol », Ghazal Golshiri, 12 mai 2022 https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/12/dans-un-village-ukrainien-occupe-par-les-russes-la-brulure-indicible-du-viol_6125721_3210.html

[6] Philippe Rousselot, le Viol de Guerre, La Guerre du Viol. Inflexions, 38(2), 23-35.https://doi.org/10.3917/infle.038.0023.

[7] Sofi Oksanen « Deux fois dans le même fleuve : la guerre de Poutine contre les femmes », opt cit.

Dernière mise à jour : 24 févr.

Le 25 janvier dernier, Céline Bardet, Fondatrice et Directrice de We Are Not Weapons of War (WWoW) participait à la conférence de presse organisée par la Cour Grand-Ducale du Luxembourg pour annoncer le Forum Stand Speak Rise Up.

A l’initiative de S.A.R La Grande Duchesse du Luxembourg et co-organisé par WWoW et la Fondation Mukwege, ce forum international aura lieu les 26 et 27 mars prochains, à Luxembourg.


Parce que ce forum se veut être un véritable appel à l’action face au fléau des violences sexuelles dans les conflits et environnements fragiles, Céline Bardet a souhaité expliquer l’importance de cette initiative et rappeler combien il est essentiel que chacun soit acteur du changement.


Bonjour à toutes et à tous,

Votre Altesse, Chère Madame, Cher Docteur, cher Denis,

C’est un grand honneur pour moi, mais aussi et surtout pour mon organisation, We Are NOT Weapons Of War, d’être ici aujourd’hui pour parler et annoncer cet événement si important qu’est le forum StandSpeakRiseUp créé à l’initiative de son Altesse Royale la Grande Duchesse du Luxembourg.

Étant moi-même juriste et enquêtrice criminelle internationale, je passe beaucoup de temps dans les zones de conflits et post conflits, ainsi aux mots ; j’ai choisi l’action.

Je veux d’abord remercier du fond du cœur, Son Altesse Royale, la Grande Duchesse, pour laquelle j’ai beaucoup de respect, mais aussi, et je veux le dire ici, beaucoup d’affection et d’admiration notamment pour le courage dont elle fait preuve en choisissant de s’engager, en plus de tous les combats qu’elle mène, sur cette question si difficile des violences faites aux femmes et particulièrement sur celle complexe du viol de guerre.

Je veux remercier aussi et rendre hommage à toute son équipe qui travaille d’arrache-pied avec nous, pour mettre en place ce forum. Je suis également honorée, fière aussi (et je dois l’avouer toujours intimidée à chaque fois que je suis en sa présence), d’être aux côtés du Dr. Mukwege et de sa fondation pour la mise en place de ce forum. Je crois qu’il n’y a plus de mots pour vous qualifier Monsieur ; je dirais que votre simple existence, votre force comme votre émotion si pudique, ont rendu ce monde plus beau et donnent de l’espoir à beaucoup. We Are NOT Weapons Of War, que j’ai fondé en 2014 est une petite ONG, basée en France à Paris. J’ai voulu lui donner ce nom qui sonne comme une campagne, comme un cri, comme une revendication Nous ne Sommes pas des Armes de Guerre parce que j’étais obsédée par ces simples questions :

  • Comment à un moment, nous l’humanité, avons-nous fait du corps des femmes et dans certains cas, de celui des hommes, des armes de guerre ?

  • Comment à un moment, nous l’humanité, avons-nous pu accepter, de détourner le regard et de considérer normal ces viols d’une extrême violence, des viols publics, systématiques, devant les enfants, les maris, dans les rues à la vue de tous, des viols que subissent des gens de tous âges, y compris de très jeunes enfants.

  • Comment nous l’humanité, avons-nous pu pendant des décennies et encore aujourd’hui, baisser les yeux en se disant c’est loin tout cela, cela ne me concerne pas, ou encore c’est la guerre, cela arrive depuis toujours et nous ne pouvons rien y faire.

J’ai entendu ces phrases si souvent qu’une sorte de rage en est née, que je n’ai pas pu continuer mon travail sans mettre au profit de cette cause mon expertise et mon temps. Et parce que je vous le dis, si vous rencontrez ne serait-ce qu’une seule fois, une survivante, plus jamais vous ne pourrez détourner ce regard et continuer votre chemin comme si de rien n’était. Je n’ai pas pu accepter, en faisant mon métier de juriste, de me heurter à ce silence, d’ignorer ces femmes invisibles, celles que l’on ne veut pas voir et que l’on ne veut surtout pas entendre ; ni nourrir une forme de tolérance acceptée concernant les victimes de viols comme si le fait d’avoir survécu et d’avoir vécu cela, faisant qu’au fond ce n’était pas si grave.

Il est venu tard si tard ce moment où le monde a enfin pris un peu conscience de ce que signifiait l’utilisation de ces viols dans les zones fragiles, dans les conflits bien sûr, mais aussi aujourd’hui sur les routes des migrations et depuis longtemps dans les camps de réfugiés.

Cette arme que j’appelle le crime parfait, a pu en toute impunité continuer à s’étendre telle une épidémie dans tous les conflits et les contextes chaotiques. Daech en Irak et en Syrie ou Boko Haram au Nigeria en ont fait une arme massive et systématique. Des manuels ont été développés expliquant comment violer, qui violer, et selon les âges, quelle approche adopter. C’est cela aussi le viol de guerre et c’est assez fou qu’en 2019 nous soyons encore indifférents à une telle pratique. L’esclavage sexuel a été institutionnalisé, la Bosnie a connu des camps de viols, des zones créées avec pour seul but de transformer les femmes en esclaves sexuelles, des femmes à disposition violées nuit et jour à raison de dizaines de fois par jour ! Ceci à 2000 km d’ici, ceci en Europe. Le viol de guerre contrairement aux idées reçues n’a ni culture, ni nationalité, ni religion. Il n’est pas l’apanage de pays ou de régions en particulier, il n’y a pas un gêne ou une culture du viol selon que l’on soit africain, européen ou asiatique. Le viol dans les conflits est partout, a été utilisé en masse pendant la Seconde Guerre Mondiale et rayé des livres d’histoire. Ceci n’est plus tolérable. Nous ne pouvons plus continuer à vivre et nourrir des préjugés, à méconnaitre ce qu’est de manière précise cette arme à déflagration multiple et à continuer de penser que cela ne concerne que les autres.

Le viol dans les conflits est une arme, comme une kalachnikov, il est systématique, organisé voire ordonné à haut niveau. C’est un acte de torture et d’humiliation, ce n’est pas une pulsion sexuelle ni un dommage collatéral de guerre.

Non le viol n’est pas une fatalité, Nous pouvons y mettre fin, nous pouvons changer la donne et c’est en le faisant ensemble que nous y parviendrons. WWoW fonctionne comme une start up à but non lucratif avec pour objectif de tirer d’une expérience de terrain une réflexion, afin de répondre à cette endémie de manière impactante et innovante. De renverser les schémas, afin de produire des réponses qui correspondent aux besoins des victimes et qui soient adaptées aux contextes dans lesquels ces crimes odieux ont lieu. WWoW travaille aussi avec les nouvelles technologies. Parce que la majorité des victimes ne sont même pas identifiées et n’ont pas accès aux services, ou se trouvent dans des lieux reculés, WWoW développe un outil numérique, Back Up, qui permet aux survivant.e.s de se signaler, d’accéder aux services et de sauvegarder les éléments de preuves. Back-Up est aussi et surtout l’outil qui donne une voix aux victimes, qui leur permet de s’identifier et d’être prises en charge au niveau local, tout en organisant une coordination et une collaboration plus efficace entre tous les acteurs professionnels de la question.

Les violences sexuelles dans les conflits sont une question de paix et de sécurité et le Prix Nobel de la Paix cette année, co-remis à Denis Mukwege et Nadia Murad le prouve. Le viol de guerre est depuis des années reconnu comme un élément constitutif de crime de guerre, de crime contre l’humanité et de génocide. Pourtant encore trop peu d’auteurs de ces crimes (qu’ils les commettent ou bien qu’ils les ordonnent et planifient) sont poursuivis. L’impunité règne en maître, alors il nous faut nous regarder en face parce que nous seuls, parce que nous le décidons, pouvons mettre fin à cette situation.

Aucun autre crime que celui des violences sexuelles dans les conflits et zones fragiles ne bénéficie d’une telle impunité, comme s’il n’existait pas, comme si ces survivantes étaient des éléments invisibles de nos sociétés. Cela est intolérable et c’est un abîme dans lequel nous avons tous plongé, et duquel aujourd’hui nous devons tous sortir. Il est de notre devoir moral et éthique de ne plus tolérer que le corps devienne un enjeu de guerre pour des objectifs de nettoyage ethnique, de terreur et de terrorisme ou pour des raisons politiques, stratégiques ou économiques.

Le viol de guerre est le seul crime qui ne se contente pas de cibler une victime mais crée des victimes indirectes en détruisant les familles, les couples, les communautés, en installant la honte et le stigma, en mettant au monde des enfants issus de ces viols, des enfants sans identité, sans état civil souvent, sans soutien ni accompagnement. C’est le crime parfait, parce c’est aussi le plus efficace, le moins coûteux et un des plus utilisés aujourd’hui dans le monde.

Aucun chiffre vérifié n’existe. Nombre de victimes ne sont jamais identifiées, la plupart encore aujourd’hui n’ont reçu aucun soin que ce soit médical, psycho-social ou autre. Il crée un trauma profond qui demande un accompagnement conséquent. Il est un besoin plus qu’urgent d’élever la voix, de fédérer et de répondre à cet appel à l’action que lance Son Altesse Royale la Grande Duchesse du Luxembourg à travers ce forum. Forum qui se doit non pas d’être un aboutissement, mais bien le point de départ d’un renversement des schémas et des systèmes pour commencer à réellement saisir l’urgence et l’ampleur de la situation, afin d’y répondre, non pas dans des années, non pas demain, mais aujourd’hui et maintenant. Un forum qui doit être le point de départ d’un changement auquel tout le monde doit prendre part. Le temps de l’échec est terminé, celui des solutions doit prévaloir.

Parce que la première arme contre les violences sexuelles dans les conflits c’est NOUS. Parce qu’il nous faut faire changer la honte de camp, parce qu’il nous faut être courageux et parler ; parler et écouter, écouter celles que l’on qualifie souvent de silencieuses. Mais les survivantes ont des voix, elles veulent parler, chaque jour dans tous les pays, je rencontre des femmes et des hommes qui racontent ce qu’ils ont vécu.

Le problème n’est donc pas le silence DES Victimes, le problème c’est le silence de nos sociétés. Ainsi, pour vaincre ce crime intolérable, il nous faut des voix bien-sûr, mais il nous faut aussi et d’abord des moyens. Nous ne pouvons plus continuer à parler tout en ne fournissant aucun moyen d’actions à ceux qui sur le terrain et dans le monde entier travaillent à fournir des solutions, travaillent à ce plaidoyer si essentiel. Nous ne pouvons pas continuer à condamner et à s’indigner sans aucune volonté politique en marche derrière. L’émotion est digne, mais elle reste éphémère. Faisons de cette émotion, qui est l’essence même de ce qui fait de nous des êtres humains, une force de changement pour construire le monde que nous voulons. Je vous remercie. Céline Bardet, Fondatrice et Directrice de We are NOT Weapons of War

  • Le site du Forum Stand Speak Rise Up, c’est par ici,

  • Le site de We Are Not Weapons of War (WWoW), c’est par ici.

Crédit photo : © 2019 Cour Grand-Ducale / Sophie Margue


Dernière mise à jour : 24 févr.

La Première Dame et les Grands Duchés sont en effet venus visiter Station F, l’énorme campus de start-up situé à Paris, et où l’on retrouve le programme d’incubateur qui accompagne WWoW, ShareIT.io.


Céline Bardet a donc pu présenter les missions que se donnent WWoW, et l’esprit qu’elle veut maintenir dans cette organisation tiré de ses nombreuses années d’expérience sur le terrain. Elle a pu présenter le projet phare de WWoW, le Back Up, accompagné par Nicolas Sanitas de InTech Luxembourg, qui développe ce nouvel outil numérique.

Le Back Up est une application numérique qui permettra d’une part de signaler les situations de viol de guerre et de mettre les victimes en contact avec des professionnels compétents (médecins, psychologues, avocats…). D’autre part, le Back Up se veut être un outil de mise en réseau des professionnels entre eux, pour plus de coordination. Le Back Up veut mettre la technologie au service des victimes et de la justice. C’est un outil entièrement sécurisé, qui permettra en outre de récolter des témoignages qui, en les recoupant, pourront faire apparaître des faisceaux d’indices, permettant par la suite de constituer des dossiers judiciaires.

Brigitte Macron et le Grand Duc et la Grande Duchesse du Luxembourg se sont montrés très intéressés par ce nouvel outil. Céline Bardet tient à ce que les différentes autorités nationales – et notamment en Europe – prennent conscience du fléau que constituent les violences sexuelles en conflit. Leur soutien est indispensable à la progression des activités comme celles que mènent Céline Bardet et l’équipe de WWoW. C’est aussi pour cela que Céline a choisi d’installer son ONG en France, avec des valeurs et des idéaux qui lui tiennent à cœur.

Cet échange fut très positif pour toute l’équipe de WWoW qui était heureuse de voir que les autorités de différents pays s’investissent dans cette cause ! Il y a encore 4 ans, quasiment personne ne parlait du viol de guerre. Aujourd’hui, journalistes, documentaristes et pouvoirs publics se saisissent du sujet, c’est déjà une première victoire pour WWoW. Mais il convient désormais de poursuivre l’action et de mener des projets qui toucheront directement les survivant.e.s. Le projet Back Up est quant à lui désormais bien lancé. Une première version de l’application sera testée dans plusieurs pays pilotes au cours de l’année 2018. Martin Chave


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